§3/ La protection du domaine personnel commune à l’ensemble des mesures.
A la différence de la loi de 1968 le législateur de 2007 a expressément spécifié que la protection des majeurs concernait aussi bien leur personne que leurs biens (C. civ. art. 415 al. 1 et 425 al. 2).
La loi nouvelle a rassemblé aux article 457-1 et suivants du code une sous-section entière aux questions en lien avec le domaine personnel. L’intitulé de cette subdivision « Des effets de la curatelle et de la tutelle quant à la protection de la personne » ne doit pas tromper, les dispositions en cause s’appliquent à l’ensemble des mesures, sauvegarde de justice (C.civ. art. 438) et mandat de protection future compris (C. civ. art. 479) et habilitation familiale depuis 2015.
La loi de 2007 a choisi, pour ce domaine si particulier qu’est le domaine personnel, de privilégier l’autonomie du majeur. Le dispositif s’ouvre sur un article 457-1 du Code civil qui impose à la personne en charge de la protection de délivrer « toutes informations sur sa situation personnelle, les actes concernés, leur utilité, leur degré d’urgence, leurs effets et les conséquences d’un refus »de la part du majeur. Car, il n’y a d’autonomie et de consentement qui vaillent qu’éclairés.
Le législateur met en place un mécanisme à double détente qui s’articule entre les articles 458 et 459 du Code. L’article 458 consacre une autonomie absolue du majeur puisque ce texte dispose que « sous réserve des dispositions particulières prévues par la loi (le mariage par exemple régi par l’article 460 du code), l’accomplissement des actes dont la nature implique un consentement strictement personnel ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation ». L’alinéa 2 du texte donne une liste non exhaustive[1] de ces actes : la déclaration de naissance d’un enfant, sa reconnaissance, les actes de l’autorité parentale relatifs à la personne d’un enfant, la déclaration de choix de changement de nom d’un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant. On a considéré que ces actes relevaient d’une sphère trop intime pour supporter quelque immixtion que ce soit. Qui ne voit que cette interdiction de toute assistance ou représentation risque pour les majeurs dont les facultés sont les plus altérées au point de n’être pas capables d’exprimer un consentement valide, de glisser vers une incapacité de jouissance puisque personne ne pourra se substituer à eux pour exercer ces actes qui seraient sans doute de leur intérêt ou de celui de leur enfant.[2] L’article 459 du Code ne ménage qu’une autonomie relative puisque s’il commence par affirmer que la personne prend seule les décisions relatives à sa personne la loi prend le soin de préciser « dans la mesure où son état le permet ». A défaut le juge ou le conseil de famille peuvent prévoir que le majeur bénéficiera d’une mesure d’assistance ou si cela s’avère insuffisant d’une mesure de représentation. Le texte concerne les autres décisions en lien avec le domaine personnel[3] qui ne sont pas couvertes par l’article 458 du Code civil ou par des dispositions spéciales (mariage, pacs..). L’article 459 alinéa 3 précise que sauf urgence, la personne chargée de la protection du majeur ne peut, sans l’autorisation du juge ou du conseil de famille prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l’intégrité corporelle ou à l’intimité de la vie privée de la personne protégée. L’alinéa 4 ajoutant qu’elle peut prendre à l’égard du majeur les mesures de protection strictement nécessaires pour mettre fin au danger que son propre comportement ferait courir à l’intéressé et qu’elle en informe sans délai le juge ou le conseil de famille.
L’article 459-1 du Code rappelle que le dispositif mis en place par le Code civil (en particulier l’autonomie assurée au majeur) ne peut avoir pour effet de déroger aux dispositions particulières prévues par le code de la santé publique et le code de l’action sociale et des familles prévoyant l’intervention d’un représentant légal. Car, les actes pour lesquels l’intervention du représentant légal est sollicitée sont en effet légions dans ces codes (V. par exemple C. S. P. art. L. 1111-1 et s. pour les actes médicaux, le don d’organe…).
Suivent ensuite aux articles 459-2 et suivants des dispositions spécifiques à certaines questions : la résidence, les relations personnelles, le mariage, le pacs.
Ces textes et leur interprétation jurisprudentielle (V pour l’article 459-2 CA Douai 8 février 2013) révèlent un parti pris pour l’autonomie.
Attention la loi du 23 mars 2019 a réformé la rédaction de l’article 459 , le contenu de l’article 460 (mariage) et 461, 462 (pacs). Force est de constater que l’autonomie et l’autodétermination des majeurs progressent.
Mais certaines questions qui ont une résonnance personnelle se trouvent en dehors de cette sous section : ainsi du divorce aux articles 249 à 249-4 du Code civil (réformés par la loi du 23 mars 2019), ainsi du logement à l’article 426, des comptes bancaires à l’article 427 dont la dimension personnelle n’est pas à négliger ne serait ce que pour préserver les repères familiers du majeur ou du droit de vote (C. électoral art. L. 5 réformé par la loi du 23 mars 2019).
Dernière tendance :
La faveur à l’autonomie a pris une ampleur encore plus marquée par une série d’arrêts de la Cour de cassation qui, dans le sillage de l’arrêt du 6 novembre 2013, a consacré une autonomie procédurale nouvelle pour les majeurs protégés. A expliquer
Civ. 1ère 2 déc. 2015, n°14-25.777
Civ. 1ère 13 juill. 2022, n°21-10.030
Civ. 1ère 5 juill. 2023, n°23-10.096, .
Civ. 1ère 31 janv. 2024, n°22-23.242
Civ. 1ère 20 mars 2024, n°23-21.615.
[1] Sur les extensions prétoriennes V. Civ 1ère 6 nov. 2013 ou Civ. 1ère 2 déc. 2015.
[2] Pour une critique : P. Salvage-Gerest, Les actes dont la nature implique un consentement strictement personnel du majeur en tutelle : une catégorie à revoir d’urgence, Dr . famille 2009, étude 17.Comp avec les solutions utilisées auparavant par la jurisprudence qui permettaient le recours à l’assitance. V. Cass. 1ère. Civ. 4 juin 2007, Dr. famille 2007, comm. 153, note Th. Fossier et comm. 183, note P. Murat ; Cass. 1ère civ. 8 oct. 2008, Dr. fam. 2008, comm. 173, note P. Murat.
[3] Le domaine médical par exemple : TI Nice 4 février 2009 :D. 2009, 1397, obs. Verheyde.
- Enseignant: Marc Azavant