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L'Australie est souvent perçue par ceux qui sont en dehors de la nation comme un État dans lequel la société est vibrante, jeune, prospère, dynamique et multiculturelle dans laquelle l'identité nationale n'est pas définie en termes ethniques ou raciaux, mais basée sur des valeurs libérales, démocratiques et inclusives. Toutefois, l'évolution récente de la politique australienne a remis en question ces principes. Il y a notamment eu deux référendums en Australie sur les peuples aborigènes et leur place dans la société. On parle de « peuples aborigènes », au pluriel, car il en existe plus de 500, chacun avec une culture propre, une langue distincte et un territoire différent. Le premier référendum s'est tenu en 1967, a permis de voter à une écrasante majorité l'abolition de l'article 127 de la Constitution australienne, qui avait précédemment supprimé les peuples aborigènes des recensements de la population. Pourtant, par un étrange retournement de situation, alimenté par le populisme et l'opinion des médias sociaux, cette cohésion est en train d'être remise en question. Le référendum le plus récent, en octobre 2023, a vu les Australiens refuser la création d'un comité consultatif aborigène au Parlement, un conseil qui aurait eu un rôle consultatif sur toutes les questions liées aux peuples indigènes d'Australie, la civilisation continue la plus ancienne (65 000 ans) connue de l'humanité, aujourd'hui. 

 

Ce cours a pour but de présenter et d'analyser l'histoire de l'État-nation que nous appelons aujourd'hui l'Australie, et la manière dont il est passé sous contrôle britannique, lorsque le capitaine James Cook a pris possession (21-22 août 1770) de la majorité de l'île-continent qui s'appelait à ce moment la Nouvelle-Hollande. L'invasion et la colonisation britanniques ont commencé avec l'arrivée de la première flotte, le 26 janvier 1788, lorsque le capitaine Arthur Phillip a hissé le drapeau britannique à Warrane (Sydney Cove) et sur les terres ancestrales souveraines des Gadigal (Nation Eora). La Couronne britannique considérait que l'Australie était une "terre d'installation [settlement]", plutôt qu'une terre de colonisation ou de conquête, et les facteurs qui ont contribué à cela sont la façon dont les peuples aborigènes ont été décrits pour la première fois par l'explorateur William Dampier. Dampier est arrivé pour la première fois en Australie le 6 août 1699. Ses trois mois d'exploration l'ont mis en contact avec les peuples autochtones. La façon dont il a décrit les peuples aborigènes a eu un effet profond sur la vie future de ces peuples nomades. Par la proclamation du Gouverneur de Nouvelle-Galles du Sud, Richard Bourke (1835), les Britanniques considéraient l'Australie comme terra nullius, une terre sans vie humaine ni habitation. C'est ainsi que débute un vaste programme d'exploitation de l'Australie, d'abord comme colonie pénitentiaire, puis comme territoire de colonisation. 

 

En 9 semaines (13h), le cours présentera des analyses sur les circonstances dans lesquelles les peuples aborigènes sont entrés en contact avec les Européens, sur la manière dont ils ont été perçus et sur les raisons de ces contacts. Ensuite, le cours examinera de près comment l'Australie est devenue une colonie pénitentiaire, et comment elle s'est transformée en une terre de libre migration, avec une prise de possession progressive du territoire. Les conséquences et la dépossession de la terre et de ses ressources, ainsi que les camps de regroupement (settlement camps) dans lesquels les peuples aborigènes ont été internés, seront également abordés. En particulier, les conséquences sur la longévité, le bien-être et l'intégration des peuples autochtones (Kiernan 2007 ; Wilkinson & Pickett 2007 ; Durey et al 2023), ou leur inclusion dans la société, seront examinées. Le cours fera en outre une comparaison avec d'autres populations indigènes et étudiera les raisons pour lesquelles ces peuples originaires d’Australie n'ont pas été traités de la même manière que les Māori de Nouvelle-Zélande ou les Amérindiens des Amériques, par exemple. Ensuite, l'accent sera mis sur l'Australie d'aujourd'hui et sur les tentatives de mise en œuvre de la politique « Closing the Gap », visant à réduire les inégalités, ainsi que sur les excuses officielles présentées par le Premier ministre Kevin Rudd (2008). Le cours tentera également d'évaluer la tournure actuelle des événements et le refus d'accorder une voix aux peuples aborigènes. 

 

Afin de bien comprendre, le cours se référera aux définitions théoriques de la terminologie utilisée.  En particulier, le cours fournira une compréhension des termes centraux, sur ce qu'est une identité nationale, cette communauté imaginaire (Deutsch 1969 ; Anderson 1991 ; Brubaker 1992). Il examinera également les notions d'effacement (erasure) et la manière dont l'histoire est mémorisée, oubliée ou perçue différemment d'une génération à l'autre (Nora 1984 ; Halbwachs 1997 ; Sontag 2003 ; Hamilton et Shopes 2008 ; Assmann 2009).

 

Références : 

 

Anderson, Benedict, Imagined Communities: Reflections and the Origin and Spread of Nationalism, London: Verso, 1991.

Assmann, Aleida, ‘The Politics of Cultural Memory’, in Bezzola Lambert, Ladina, and Ochsner, Andrea (eds.), Moment to Monument: The Making and Unmaking of Cultural Significance. Biedefeld: Transcript, 2009.

Brubaker, Rogers, Citizenship and Nationhood in France and Germany, Cambridge, MA: Harvard University Press, 1992.

Deutsch, Karl, W., Nationalism and its Alternatives, New York: Alfred A. Knopf, 1969. 

Durey, Angela, Nola Naylor, and Linda Slack-Smith, ‘Inequalities between Aboriginal and non-Aboriginal Australians seen through the lens of oral health: Time to change focus’, Philosophical Transactions of the Royal Society, 2003

Halbwachs, Maurice, La mémoire collective, Paris : Albin Michel, 1997.

Hamilton, Paula and Linda Shopes, Oral History and Public Memories, Philadelphia, Pennsylvania: Temple University Press, 2008.   

Kiernan, Ben, Blood and Soil: A World History of Genocide and Extermination in from Sparta to Darfur, New Haven: Yale University, 2007.

Nora, Pierre, Les lieux de Mémoire. Paris : Gallimard, 1984. 

Sontag, Susan, Regarding the Pain of Others. New York: Farrar Straus and Giroux, 2003. 

Wilkinson, Richard, and Kate Pickett, The Spirit Level: Why More Equal Societies Always Do Better. London: Allen Lane, 2009.